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Chapitre 3

Subsistance d’hiver – Témiscouata, 14e siècle

La troisième cinématique nous conduit aux abords du lac Témiscouata, près des érablières et des affleurements rocheux constitués de chert Touladi, une matière première servant à la fabrication d’outils. Au 14e siècle, on y retrouve, à ciel ouvert, un atelier de fabrication de pointes de flèches, de haches, de pointes de lances ainsi que de différents outils permettant le grattage des peaux. Les toboggans et les raquettes, facilitant les déplacements dans la neige, sont aussi présentés.

La pierre du Témiscouata

Pendant plusieurs millénaires, les Algonquiens ont développé et transmis leur savoir-faire dans la fabrication d’outils et d’accessoires leur permettant de vivre en tant que nomades. La région du Témiscouata, aux abords du lac Touladi, est reconnue et abondamment fréquentée pour y prélever la roche utilisée dans la fabrication des pointes de flèches et de lances, des haches et des grattoirs. Appelée « chert de Touladi », cette roche est une ressource indispensable pour la réussite de toutes les activités de subsistance de cette époque. Elle fait partie des objets d’échange.

Les armes et les guerres

En contexte archéologique, seuls les pointes et les éclats résiduels de la taille de pierre sont retrouvés puisque le bois servant à faire les hampes est périssable. En déterminant la provenance de la pierre, on remarque à quel point le réseau d’échanges est important entre les Autochtones, qui font voyager les objets sur l’ensemble du territoire nord-américain.

N’ayant aucune référence écrite ou visuelle de ces époques, il est toutefois aisé de déduire que les pointes de projectiles en pierre servant à la chasse sont aussi utilisées lors des guerres entre les groupes autochtones.

Les conflits peuvent être motivés par des vues économiques ou politiques diverses : l’accès à une ressource spécifique ou le contrôle d’une route commerciale. Mais ils peuvent aussi être le résultat de motivations culturelles : chez les Iroquoiens, tout particulièrement, on fait souvent la guerre pour capturer des prisonniers afin de remplacer une personne décédée. Les captifs sont alors remis à des familles endeuillées par le décès d’un de leurs membres, qui pourront adopter le captif en remplacement du défunt.

Les activités de subsistance

Après les saisons chaudes, les peuples algonquiens quittent les bordures du fleuve pour s’enfoncer dans l’intérieur des terres. Ils se déplacent en petits groupes sur les nombreuses rivières du sud du Saint-Laurent, dont celle de Rimouski, pour se disperser dans la forêt. Les familles se partagent les territoires pour la chasse aux gros gibiers. Ce nomadisme leur permet d’atteindre des lieux de chasse où le caribou, à cette époque, fait encore partie de la faune régionale. Les grands cervidés migrent avec les saisons, et les chasseurs les pourchassent dans les forêts.

Les Algonquiens utilisent le canot pour remonter les rivières, font du portage au besoin et lorsque les cours d’eau ne sont plus praticables, ils poursuivent leur chemin à pied ou en raquettes. Durant les déplacements, ils chassent et montent des lignes de trappe. On raconte que chez les Algonquiens, l’homme passe les trois quarts de sa vie à chasser, pêcher et piéger, ce qui permet à la famille de se nourrir.

Nomades/Semi-nomades

Les nations de la famille algonquienne furent pendant des millénaires des nomades qui se déplaçaient constamment sur le territoire, à la recherche de nourriture. Au fil du temps, probablement vers le 15e siècle, la population devient plutôt semi-nomade. Les déplacements en petits groupes continuent, mais se font de façon saisonnière et dans les mêmes régions connues : l’hiver en forêt, et l’été sur le bord du fleuve.

La chasse

Chaque type de chasse ou de pêche nécessite différentes techniques. Le castor, l’orignal, l’ours et le caribou sont surtout chassés durant l’hiver. Pour le castor, on le chasse à l’aide de dards et on le piège au filet en creusant des trous dans la glace et en passant le filet d’un trou à l’autre. L’orignal est quant à lui chassé lorsque la neige est abondante et qu’on peut profiter de couches de verglas qui blessent et épuisent l’animal dans sa course. L’ours est chassé en bande ou encore piégé; le porc-épic, au hasard des rencontres ; la martre, le lièvre et l’écureuil sont piégés et chassés à l’arc et la flèche. Les mammifères marins, comme le loup-marin (phoque), sont chassés en janvier sur les glaces où ils se reproduisent. Les oiseaux migrateurs sont pris au piège dans des filets et tués par des flèches à bout carré, tout comme la gélinotte.

Selon Laurier Turgeon, pendant la saison froide, les Algonquiens se regroupent « en petites unités, très mobiles, de quatre à douze personnes », afin de pouvoir se déplacer rapidement selon leurs besoins alimentaires. Ainsi, si la chasse du gros gibier comme l’orignal ou le caribou n’est pas concluante, les groupes de chasseurs-cueilleurs retournent aux embouchures des rivières pour « pêcher le poulamon sous la glace en décembre, chasser le phoque gris en janvier ou celui du Groenland en février ».

L’usage des chiens

Les chiens font partie de la vie des peuples autochtones depuis leur arrivée en sol américain. Les Autochtones sont accompagnés de plusieurs chiens qui les aident à repérer les animaux blessés et à transporter des bagages. Ils les aident à cerner le carcajou, sentir les gélinottes, courir après le castor hors de sa hutte ou mordre les jarrets de l’orignal pour le ralentir dans sa course. On dit que le chien est le seul animal que les Autochtones ont domestiqué.

Les peaux

La préparation des peaux se fait rapidement après l’abattage d’un animal. Ce sont les femmes qui ont la responsabilité de les tendre sur des cerceaux de bois, de les dégraisser et de les préparer pour en faire des vêtements ou pour les échanger. Pour un usage personnel, les peaux sont décorées de diverses figures et colorées à l’aide d’osselets pointus.

La pêche

La pêche assure la subsistance de plusieurs populations vivant sur les rives du Saint-Laurent. On y pêche le capelan, le hareng, l’esturgeon, le saumon et d’autres espèces, et on y cueille aussi des mollusques. Pour pêcher le poisson, on utilise le filet, la nasse, le dard ou harpon, la foëne, l’arc, la ligne avec hameçon, le barrage et le flambeau.

La cueillette

La cueillette n’est pas mentionnée souvent dans les écrits historiques. Quoi qu’il en soit, il est rapporté que les Algonquiens cueillaient des œufs d’oiseaux de mer et d’outardes. Du printemps jusqu’à la fin de l’été, les végétaux à propriétés médicinales ou culinaires ainsi que les petits fruits et les mollusques sont cueillis par les femmes et les enfants.

L’abattage des arbres

L’abattage des arbres se fait avec des haches de pierre. Les Algonquiens utilisent les troncs pour fabriquer des bacs ou des auges dans lesquels ils font bouillir la nourriture, dont l’eau d’érable.

L’alimentation

Les Algonquiens ont une alimentation relativement variée qui inclut beaucoup de viande, du poisson, des œufs d’oiseaux marins, des petits fruits, des noix (glands de chêne bouillis et écrasés) et possiblement d’autres aliments issus des échanges avec d’autres peuples, comme la farine de maïs et les courges.

La difficulté de conserver des aliments frais sur de longues périodes est un facteur qui influence beaucoup le type d’alimentation. Le fumage et le séchage sont les seuls moyens de conservation de la nourriture. Pour fumer et sécher la viande et le poisson, les Algonquiens construisent des tréteaux de bois. Sur des branches entrecroisées, ils déposent les poissons ouverts, les anguilles vidées et la viande découpée en morceaux. Par exemple, les anguilles pêchées à la fin de l’automne sont fumées pour être conservées et servir d’aliment de réserve durant les mois d’octobre et novembre, avant la chasse à l’orignal. Les quartiers de viande sont enveloppés dans de l’écorce et cachés en haut des arbres ou sur des tréteaux afin d’éviter que des bêtes viennent dévorer les provisions.

Les techniques de préparation et de sauvegarde de la nourriture varient selon les besoins et l’abondance des saisons. Si les chasses sont bonnes, on n’hésite pas à manger la viande avant qu’on ait eu le temps de la mortifier. Dans des contenants fabriqués d’écorce de pin, dans des pots d’argile ou des auges de bois remplis d’eau ou de neige, la nourriture est cuite en y jetant des pierres brûlantes. Les Algonquiens font également cuire les aliments sur des perches de bois. Ces perches sont plantées dans le sol, et on pique la viande ou le poisson à l’autre extrémité pour les placer au-dessus du feu. Une autre technique consiste à suspendre des morceaux de viande attachés à l’aide de lanières près des braises puis à faire tourner les morceaux régulièrement. Le poisson et la viande sont parfois même cuits directement sur les braises.

La plupart des peuples autochtones consomment des bouillons dans lesquels ils font cuire notamment de la viande. Reprenant un terme d’origine algonquienne – probablement le mot algonquin kijagamite, qui signifie « l’eau est chaude » –, les Français ont généralement nommé « sagamité » les nombreux types de plats liquides consommés par toutes les nations autochtones qu’ils ont rencontrées en Amérique du Nord. Chez les peuples qui pratiquent la culture du maïs, tels que les Wabanakis (peuple de la famille linguistique et culturelle algonquienne) ou les nations iroquoiennes, la sagamité est un bouilli épaissi avec de la farine de maïs, dans lequel on pouvait ajouter de la viande, des fruits ou des graisses.

Malgré leurs talents de chasseur et de cueilleur, certains groupes doivent parfois faire face à des famines, surtout à l’automne et au début de l’hiver, lorsque la neige tarde à couvrir le sol. Ils sont alors contraints de manger des racines, mais parfois aussi leurs chiens, les peaux de cuir et d’autres objets faits de peaux d’animaux.

Les bagages

Les Algonquiens transportent tout ce qu’ils possèdent dans leurs bagages. Pour faciliter cette tâche, ils tissent des fils avec de l’écorce de bouleau ou font des lanières de cuir. En passant ces courroies sur leur front, ils réussissent à porter de lourdes charges.

Pendant les déplacements hors des cours d’eau, les hommes portent les canots sur leurs épaules. Tous les membres contribuent au transport en se répartissant les bagages. Ceux-ci contiennent généralement des fourrures, de la farine de viande séchée, du maïs, de l’anguille séchée, des haches, des arcs, des flèches, des carquois, du tabac, des peaux, de la résine et des plaques d’écorce pour réparer les canots ainsi que des matachias (colorants naturels) et des ornements pour les parures. Ils transportent même le feu dans de petits sacs. L’écorce qui sert à couvrir les habitations est transportée en rouleaux d’un emplacement à un autre. Les perches sont laissées dans les emplacements déjà fréquentés.

En hiver, les Algonquiens se fabriquent des raquettes pour marcher sur la neige, et les bagages sont tirés sur des toboggans.

En été, les canots d’écorce de bouleau sont toujours utilisés. Ceux-ci sont fabriqués avec des morceaux d’écorce cousus ensemble grâce à des fils fabriqués à partir d’osier, de racines de sapin ou d’écorce.

Références

BLAIR, 2004: Birds, mammals and reptiles with food potential in the LSJR (NB).

BOUCHARD, Serge. Récits de Mathieu Mestokosho, chasseur innu, Montréal, Boréal, 2017.

BOUCHARD, Serge. Confessions animales : Bestiaire, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2013.

LABERGE, Marc. « Affiquets, matachias et vermillon », avec les illustrations de François Girard, Montréal, Recherches amérindiennes au Québec, 1998.

TURGEON, Laurier. Une histoire de la Nouvelle-France : Français et Amérindiens au XVIe siècle, Paris, Belin Éditeur, 2019.

CAMPANELLA, Richard. « Geography of a Food, or Geography of a Word? The Curious Cultural Diffusion of "sagamité" », Louisiana History 54.4 (2013): 465-476.

Illustration : Chapitre 3