Se rendre au contenu
Société rimouskoise du patrimoineImages de drone haute précisionCube NoirL'ALT Numérique DesjardinsMusées numériques Canada
Retour en arrière
Retour en arrière

Chapitre 2

Chapitre 2 – Subsistance d’été – Fosse à l’anguille, 14e siècle

La fosse à l’anguille sur la rivière Rimouski se situe en aval du Canyon des Portes de l’enfer, dans la réserve Duchénier. Encore accessible, elle porte le même nom aujourd’hui et nous rappelle que c’est un lieu qui a longtemps été fréquenté par des familles autochtones qui pratiquaient la pêche à l’anguille. La configuration de la rivière permet de capturer de grandes quantités d’anguilles afin de constituer des provisions avant l’hiver.

Origines

Au 14e siècle, les Autochtones occupent l’ensemble du continent américain, depuis l’Arctique jusqu’à la Terre de Feu. Leurs ancêtres seraient probablement arrivés d’Asie il y a environ 15 000 ans, par le détroit de Béring situé au nord-ouest de l’Amérique, entre la Sibérie et l’Alaska. À l’époque, le nord du continent américain était recouvert de gigantesques glaciers qui s’étendaient vers le sud, environ jusqu’à la hauteur de New York. Cette masse de glace, qui retenait d’immenses quantités d’eau sur le continent a contribué à abaisser le niveau des océans, dégageant un corridor terrestre entre la Sibérie et l’Alaska, appelé Béringie, qui est demeuré ouvert pendant des dizaines de milliers d’années.

Au fur et à mesure que ces glaciers se sont retirés, les populations constituées de chasseurs-cueilleurs qui s’étaient dispersés sur le continent ont pu remonter, depuis le centre-sud du continent nord-américain vers le nord, jusqu’à l’actuel territoire du Québec, il y a environ 10 000 à 12 000 ans.

La population totale des Premières Nations qui habitaient le continent américain au 14e siècle se compte par millions, tandis que celle de l’est du Canada est évaluée à quelques centaines de milliers d’individus.

On connaît mal les distinctions ethniques précises qui caractérisent les populations vivant au Bas-Saint-Laurent à cette époque. Pour cette raison, nous les désignons sous le vocable générique d’Algonquiens, un terme qui renvoie à l’origine commune de leurs langues : le proto-algonquien. Plus tardivement dans l’histoire, ce proto-algonquien s’est subdivisé en plusieurs dialectes relativement distincts. Parmi ces dialectes, on peut distinguer ceux parlés par les Innus (appelés Montagnais par les Français), les Mi’kmaqs (autrefois appelés Canadiens, Gaspésiens, puis Micmacs par les Français) et les Wolostoquiyik (appelés autrefois Etchemins ou Malécites).

Environnement et économie

Le milieu naturel, constitué de forêts, de lacs, de rivières et de l’immense fleuve Saint-Laurent, assure des ressources abondantes et variées aux Algonquiens. Ceux-ci se déplacent majoritairement en canot ou à pied, grâce à des sentiers (portages) qu’ils fréquentent parfois depuis des millénaires.

Un vaste réseau d’échanges unit les populations de l’ensemble du continent nord-américain. Les différents groupes peuvent ainsi se procurer des ressources que leur milieu ne leur offre pas. Leur quotidien est rythmé par les saisons et les déplacements. Ces peuples peuvent circuler sur un immense territoire forestier. Ils ont leurs propres règles, liées au respect du territoire et du vivant.

Rôles des hommes et des femmes

Chez les Algonquiens, ce sont généralement les hommes qui chassent, qui pêchent, qui préparent les équipements et érigent les habitations. Quant aux femmes, elles s’occupent davantage de rapporter le gibier au campement, de récolter le bois de chauffage et de préparer les rouleaux d’écorce servant de revêtement aux wigwams. Les hommes fabriquent aussi la structure des canots et des raquettes, tandis que les femmes s’occupent de confectionner les vêtements, de dégraisser les peaux, de cuisiner les aliments et d’entretenir le feu.

L’ethnologue Marc Laberge mentionne que les femmes accouchent souvent seules, parfois à part dans une habitation qui leur est réservée ou simplement en forêt. Les femmes demeurent actives jusqu’au moment de l’accouchement et reprennent leurs activités presque immédiatement ou rapidement après. Elles allaitent leurs enfants jusqu’à l’âge de quatre à cinq ans, après quoi ils sont laissés dans une certaine liberté, confiés aux soins de toute la communauté. Lorsqu’ils sont en âge de manger, leurs mères mâchent la viande pour les aider à l’ingurgiter. Les femmes ont entre trois et quatre enfants, et les naissances donnent souvent lieu à des réjouissances et des fêtes. Les bébés sont transportés sur la nagane, le porte-bébé qui était décoré de multiples perles grelots, de bracelets ou de colliers de coquillages.

Langues et culture

Chaque peuple possède sa propre langue, ses coutumes, ses croyances et ses rituels. Les Algonquiens chassent, festoient, jouent, construisent, fabriquent des vêtements, des outils et des armes, se battent à l’occasion et voyagent beaucoup. Le savoir-faire et les traditions se transmettent oralement aux garçons et aux filles. Entre six et quatorze ans, les garçons passent une grande partie de leur temps à apprendre à chasser et à pêcher, en fabriquant les outils comme les arcs et les flèches, avec lesquels ils s’exercent à tuer des oiseaux. Les jeunes filles, quant à elles, imitent les travaux de leurs mères qui dépècent les animaux, préparent la nourriture, apprêtent les peaux, fabriquent les vêtements et cueillent les petits fruits.

Les Autochtones se vêtent généralement de peaux et aiment particulièrement se peindre le visage et se tatouer la peau, de même que se percer, se découper et s’orner les oreilles. Ils ont coutume de s’enduire les cheveux et le corps de graisse ou de matière huileuse pour se protéger des moustiques et du soleil. Lors de certains rituels, leurs têtes sont ornées de panaches fabriqués de bandeaux de cuir et montés de plumes d’oiseaux, de bois de cervidés ou d’autres éléments décoratifs. Les Algonquiens portent au cou des colliers garnis de différents objets comme des griffes d’animaux, des plumes, des coquillages, des carapaces de tortues et d’autres éléments récoltés lors de la chasse ou de batailles avec d’autres nations. Les femmes utilisent des matachias – soit de l’ocre, un colorant naturel –, pour peindre leurs corps à l’occasion des fêtes et des rituels.

Habitation

Les Algonquiens de l’estuaire du Saint-Laurent habitent des huttes, des wigwams ou des abris temporaires faits de baguettes de bois ou de perches appuyées les unes sur les autres et recouvertes de rouleaux d’écorce de bouleau, voire parfois, faute d’écorce, de branches de sapin. Avec les matachias, les femmes décorent les habitations de dessins d’animaux de toutes sortes, tels que des oiseaux, des orignaux, des loutres et des castors.

Pour établir un campement, les Algonquiens choisissent généralement un endroit près d’un point d’eau, soit un lac ou l’embouchure d’une rivière. En hiver, les hommes dégagent l’emplacement à l’aide de leurs raquettes et couvrent le sol de branches de sapin. Les habitations sont plus petites qu’en été, et au milieu de chacune est aménagé un feu. Les bagages sont habituellement disposés contre les parois couvertes de branchages, et sur des baguettes transversales on suspend du poisson ou de petits mammifères pour les sécher et les fumer.

En été, les Algonquiens maritimes peuvent construire de plus grands abris, dans lesquels on retrouve parfois plusieurs feux. Champlain raconte qu’en 1603 à Tadoussac, il a pénétré dans une maison qui accueillait plus de 80 personnes réunies autour de plusieurs feux. Dans l’estuaire du Saint-Laurent, on ne vit pas en village, mais il peut arriver, surtout lors des rassemblements estivaux, qu’on observe plusieurs habitations au même endroit.

En résumé, les Algonquiens se satisfont de tout ce qu’ils trouvent lors de leurs déplacements pour constituer rapidement un abri pour la nuit.

Les voiles sur les canots

Bien que certaines sources considèrent que la voile sur les canots autochtones est apparue plus tard qu’au 14e siècle, nous avons cru bon d’en doter les canots faisant la chasse aux mammifères marins sur le fleuve dans les illustrations du jeu. Les voiles étaient probablement fabriquées à partir de peaux d’orignal. C’est une hypothèse ; aucun écrit ni dessin autochtone n’a été trouvé confirmant une telle utilisation à cette époque. Cependant, selon John Jennings, la première voile utilisée aurait pu être un buisson bien feuillu pour donner au vent de l’emprise sur l’embarcation.

Références

LABERGE, Marc. « Affiquets, matachias et vermillon », avec les illustrations de François Girard, Recherches amérindiennes au Québec, 1998.

LECLERCQ, Chrestien. Nouvelle relation de la Gaspésie, édition critique sous la direction de Réal Ouellet, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1999.

GODDARD, Ives. « Eastern Algonquian Languages », Handbook of North American Indians, vol. 15.

TRUDEL, Marcel. Mythes et réalités dans l’histoire du Québec, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2018.

TACHÉ, Joseph-Charles. Trois légendes de mon pays ou l’évangile ignoré, l’évangile prêché, l’évangile accepté, Imprimerie A. Côté et Cie, 1876.

JENNINGS, John, E. et Tappan ADNEY. Bark Canoes: The Art and Obsession of Tappan Adney, Richmond Hill, Firefly Books, 2012.

Illustration : Chapitre 2